Franco Borga : La Prouesse Technique d’un Vitrail Monumental de 60 m²

Dans le hameau drômois de Saint-Martin-des-Rosiers, un vitrail de 60 m² défie les lois de la physique et de l’architecture depuis 1978. Créé par Franco Borga (1937-2022), peintre italien et expert en verrerie Art nouveau, ce chef-d’œuvre technique transforme une ruine en cathédrale de lumière.

Quand l’expertise ancestrale rencontre l’audace architecturale contemporaine

Par Jean-Baptiste Mesona
Pour ArtNova.Gallery – Décembre 2025


En Bref

Dans le hameau drômois de Saint-Martin-des-Rosiers, un vitrail de 60 m² défie les lois de la physique et de l’architecture depuis 1978. Créé par Franco Borga (1937-2022), peintre italien et expert en verrerie Art nouveau, ce chef-d’œuvre technique transforme une ruine en cathédrale de lumière. Cet article explore les défis techniques colossaux qu’il a fallu surmonter pour réaliser l’un des plus grands vitraux modernes d’Europe.


Le Défi : Transformer une Catastrophe en Prouesse Architecturale

Une Urgence Structurelle Inédite

1977 : Le chœur de l’église Saint-Martin-des-Rosiers s’effondre brutalement. Face à cette catastrophe, l’architecte du projet de rénovation prend une décision radicale : ne pas reconstruire le chœur, mais le laisser ouvert sur le ciel et séparer la nef des ruines par un mur de verre de 60 m².

Cette décision pose immédiatement des questions techniques vertigineuses :

  • Comment supporter le poids considérable d’une telle surface vitrée ?
  • Comment garantir l’étanchéité à l’eau et au vent ?
  • Comment assurer la stabilité face aux dilatations thermiques ?
  • Comment préserver la luminosité tout en maintenant la solidité structurelle ?

Franco Borga, artiste-verrier et expert reconnu de la verrerie Art nouveau, est choisi pour relever ce défi technique sans précédent dans une église rurale.


🏗️ Les Défis Techniques d’un Vitrail de 60 m²

1. Le Poids et la Structure Porteuse : Un Calcul au Millimètre

Un vitrail de 60 m² représente un poids colossal qu’il faut supporter et répartir intelligemment sur l’architecture existante.

Calculs de Charge

Le verre : Environ 2,5 à 3 kg par mètre carré de verre traditionnel (épaisseur 3-4 mm)
Surface totale : 60 m²
Poids du verre seul : environ 150-180 kg

Le plomb : Les baguettes de plomb (profilés en H ou en U) ajoutent un poids substantiel
→ Pour 60 m² avec un maillage dense : +80 à 120 kg

Les armatures métalliques : Fer forgé ou acier galvanisé pour rigidifier la structure
→ Barres horizontales et verticales tous les mètres : +100 à 150 kg

Total estimé : 350 à 450 kg à répartir sur les murs latéraux de la nef et sur une ossature métallique indépendante ancrée dans la maçonnerie.

Solution Structurelle Adoptée

Franco Borga et l’équipe technique ont opté pour un système mixte :

  1. Cadre métallique périphérique : Structure en acier galvanisé ancrée dans les murs latéraux et le sol de la nef, formant un châssis rigide
  2. Barres de renfort horizontales : Espacées tous les 80-100 cm, elles traversent le vitrail et prennent appui sur les murs latéraux
  3. Vergettes verticales : Tiges métalliques reliant les baguettes de plomb aux barres de renfort pour éviter le gauchissement du verre sous son propre poids
  4. Points d’ancrage renforcés : Scellés chimiques et chevilles mécaniques dans la pierre pour garantir la solidité à long terme

Cette structure invisible de l’extérieur mais essentielle à la pérennité de l’œuvre témoigne d’une ingénierie discrète mais sophistiquée.


2. L’Étanchéité : Protéger Sans Étouffer

Un vitrail de cette taille doit être parfaitement étanche tout en permettant une micro-ventilation pour éviter la condensation interne qui dégraderait le verre et le plomb.

Les Problématiques d’Étanchéité

  • Infiltrations d’eau de pluie : Le vitrail sépare un espace couvert (la nef) d’un espace ouvert (les ruines). L’eau ruisselant sur le verre doit être évacuée efficacement.
  • Pression du vent : Les tempêtes peuvent exercer une pression de plusieurs centaines de pascals sur la surface vitrée.
  • Dilatation thermique différentielle : Le verre, le plomb et l’acier se dilatent différemment avec les variations de température.

Solutions Techniques Mises en Œuvre

Mastic de scellement spécifique : Utilisation d’un mastic de vitraillerie traditionnel à base d’huile de lin et de blanc de Meudon, appliqué entre le verre et le plomb. Ce mastic reste souple pendant des décennies, absorbant les micro-mouvements sans fissurer.

Joints de dilatation : Intégrés aux jonctions entre les panneaux de vitrail et le cadre métallique, ces joints permettent des mouvements millimétriques sans compromettre l’étanchéité.

Système de drainage : Des gargouilles discrètes intégrées au bas du vitrail évacuent l’eau de condensation et de pluie qui pourrait s’accumuler.

Larmiers architecturaux : Protections en pierre ou en métal au-dessus du vitrail pour limiter le ruissellement direct d’eau sur le verre.


3. La Résistance aux Éléments : 40 Ans de Tenue

Installé en 1978-1979, le vitrail a résisté à plus de 40 années d’intempéries sans dégradation majeure. Cette longévité exceptionnelle résulte de choix techniques judicieux.

Sélection des Matériaux

Le verre : Verre artisanal soufflé à la bouche ou semi-industriel de haute qualité, contenant peu d’impuretés. Ce type de verre présente une résistance chimique supérieure aux verres modernes flottés, moins sensibles à la corrosion atmosphérique.

Le plomb : Profilés de plomb de section généreuse (largeur 8-12 mm, hauteur 6-8 mm) pour garantir rigidité et durabilité. Le plomb pur (99,5% minimum) résiste naturellement à l’oxydation grâce à la formation d’une patine protectrice.

Les soudures : Alliage étain-plomb (60/40 ou 50/50) pour des soudures solides et durables à chaque intersection de baguettes.

Les barres de renfort : Acier galvanisé ou fer forgé traité antirouille, protégé par une peinture au minium de plomb (à l’époque) ou par galvanisation à chaud.

Tests de Résistance Implicites

Bien que les normes actuelles (NF DTU 39.4 pour les vitraux) n’existaient pas en 1978, Borga a appliqué les principes ancestraux éprouvés :

  • Verre d’épaisseur suffisante (3-4 mm) pour résister aux chocs thermiques
  • Maillage du plomb suffisamment dense pour limiter la surface libre de chaque pièce de verre (idéalement < 800 cm² par pièce)
  • Vergettes positionnées pour contrecarrer la déformation gravitationnelle

4. L’Assemblage : Un Puzzle de Plusieurs Milliers de Pièces

Un vitrail de 60 m² compte plusieurs milliers de pièces de verre individuelles, chacune découpée, calibrée et assemblée à la main.

Estimation du Nombre de Pièces

Si l’on suppose une taille moyenne de pièce de 15 x 20 cm (300 cm² par pièce, dimension courante pour un vitrail moderne abstrait) :

60 m² = 600 000 cm²
600 000 ÷ 300 = 2000 pièces de verre

Avec un maillage plus fin (pièces de 10 x 15 cm = 150 cm²) :
600 000 ÷ 150 = 4000 pièces de verre

Chaque pièce nécessite :

  1. Découpe : À l’aide d’un coupe-verre diamant ou carbure de tungstène
  2. Grugeage : Élimination des bavures avec une pince à gruger ou une meule
  3. Calibrage : Ajustement précis aux dimensions du patron
  4. Insertion dans le plomb : Glissement de chaque pièce dans les rainures des baguettes en H
  5. Soudure : Fusion de l’étain-plomb à chaque intersection (environ 50-60 soudures par m² → 3000-3600 soudures au total)

Temps de réalisation estimé : Entre 12 et 18 mois de travail à plein temps pour une équipe de 2-3 artisans qualifiés, ce qui correspond à la période 1978-1979 documentée.


5. Le Transport et la Pose : Logistique d’un Géant Fragile

Transporter et installer 60 m² de vitrail dans une église rurale de la Drôme sans grue moderne ni plateforme élévatrice (technologies peu répandues en 1978 pour ce type de chantier) représente un exploit logistique.

Fabrication Modulaire

Le vitrail a probablement été divisé en panneaux de taille gérable :

  • Panneaux de 2 x 2 mètres (4 m² chacun) → 15 panneaux au total
  • Chaque panneau pèse environ 25-30 kg (verre + plomb + renfort léger)

Transport depuis l’Atelier

Les panneaux ont été transportés depuis l’atelier jusqu’à Albon :

  • Emballage protecteur : caissons en bois avec intérieur capitonné
  • Transport routier par camionnette ou petit camion
  • Déchargement manuel avec précautions extrêmes

Montage sur Site

Échafaudages traditionnels : Structure en tubes métalliques ou en bois permettant d’accéder à la partie haute du vitrail (probablement 6-8 mètres de hauteur)

Levage manuel : Les panneaux sont hissés à la force des bras ou avec un système de poulies, puis positionnés dans le cadre métallique préalablement fixé

Assemblage final : Les panneaux sont reliés entre eux par des baguettes de plomb horizontales et verticales traversantes, puis soudés in situ. L’ensemble est ensuite mastiqué pour garantir l’étanchéité.

Mise en tension progressive : Les vergettes sont ajustées pour répartir les contraintes mécaniques de manière homogène.

Cette phase de pose a probablement nécessité 3 à 6 semaines de travail avec une équipe réduite.


🎨 La Maîtrise Technique au Service de la Vision Artistique

Le Choix de la Technique Traditionnelle au Plomb

Franco Borga aurait pu opter pour la technique de la dalle de verre, plus robuste et moderne (plaques de verre épaisses de 2-3 cm enchâssées dans du béton armé, popularisée dans les années 1950-1970). Cependant, il a choisi la technique médiévale au plomb pour plusieurs raisons techniques et esthétiques :

Avantages de la Technique au Plomb

1. Transparence supérieure
Le verre fin (3-4 mm) laisse passer beaucoup plus de lumière que les dalles épaisses (20-30 mm). Pour un vitrail situé entre un espace sombre (la nef) et un espace lumineux (les ruines ouvertes), cette transparence maximise l’effet lumineux.

2. Légèreté relative
Un vitrail au plomb de 60 m² pèse 350-450 kg, contre 1200-1500 kg pour une dalle de verre équivalente. Les murs fragilisés de l’église ne pouvaient probablement pas supporter une charge aussi lourde.

3. Finesse du tracé
Les baguettes de plomb (largeur 6-12 mm) permettent de créer des lignes graphiques fines et élégantes, impossibles avec les joints de béton massifs (30-50 mm) des dalles de verre.

4. Souplesse structurelle
Le plomb est malléable et absorbe les micro-mouvements de la structure (dilatations, tassements). Un vitrail au plomb « respire », là où un vitrail en dalle de verre, rigide, peut se fissurer sous contrainte.

5. Tradition et symbolique
Utiliser la technique médiévale dans une église reconstruite au XIXe siècle sur des fondations médiévales crée une continuité symbolique entre les époques, un dialogue matériel entre le passé et le présent.


La Palette Chromatique : Science de la Couleur et de la Lumière

Les couleurs du vitrail (bleu profond, or lumineux, rouge ardent) ne sont pas de simples choix esthétiques, mais le résultat de calculs techniques précis sur la transmission lumineuse.

Transmission de la Lumière par le Verre Coloré

Verre bleu (cobalt) : Transmet environ 20-30% de la lumière visible, crée une ambiance froide et contemplative. Le bleu au cobalt est chimiquement stable et ne se décolore pas au soleil.

Verre jaune/or (oxyde de fer ou sels d’argent) : Transmet environ 40-60% de la lumière, crée des effets chaleureux et lumineux. Le jaune est la couleur la plus lumineuse en vitrail.

Verre rouge (oxyde de cuivre ou or colloïdal) : Transmet environ 10-20% de la lumière, très intense et dramatique. Le rouge « rubis » à l’or est le plus coûteux des verres colorés (traditionnellement fabriqué par immersion d’une feuille d’or dans le verre en fusion).

En alternant ces trois couleurs selon une composition géométrique abstraite, Borga crée des zones de luminosité variable :

  • Zones claires (jaune dominant) : guident le regard, créent des points focaux
  • Zones sombres (bleu et rouge dominants) : créent du contraste, du mystère, de la profondeur
  • Équilibre global : environ 30-40% de transmission lumineuse moyenne, permettant à la nef de rester lumineuse sans être éblouie

L’Effet d’Optique : Transformation de la Perception Architecturale

Le vitrail ne se contente pas de fermer l’espace : il transforme la perception de l’architecture.

Phénomènes Optiques Exploités

1. Diffraction de la lumière
Lorsque la lumière traverse le verre texturé (verre soufflé à la main présentant des irrégularités de surface), elle est diffractée en multiples directions, créant des éclats lumineux qui dansent sur les murs.

2. Projection de couleurs
Selon l’angle d’incidence du soleil, les couleurs du vitrail se projettent sur le sol et les murs de la nef sous forme de taches colorées mouvantes. Ce phénomène, bien connu des cathédrales gothiques, transforme l’architecture en espace chromatique dynamique.

3. Transparence partielle
Contrairement à un mur opaque, le vitrail laisse deviner les formes des ruines derrière lui. Cette transparence partielle crée une ambiguïté spatiale fascinante : on voit à la fois le verre (premier plan) et les ruines (arrière-plan), dans une superposition poétique.

4. Variation temporelle
L’effet lumineux change radicalement selon :

  • L’heure : lumière rasante le matin/soir, lumière zénithale à midi
  • La saison : soleil bas en hiver (effets dramatiques), soleil haut en été (effets doux)
  • La météo : lumière vive par temps clair, lumière diffuse par temps couvert

Borga a conçu son vitrail comme un instrument optique architectural, une machine à transformer la lumière naturelle en expérience sensorielle.


🔬 Comparaison avec d’Autres Vitraux Monumentaux

Pour mesurer l’exploit technique du vitrail de Saint-Martin-des-Rosiers, comparons-le à d’autres créations majeures du XXe siècle.

Les Vitraux de l’Abbatiale de Conques (Pierre Soulages, 1987-1994)

  • Surface totale : Environ 250 m² répartis sur 104 baies
  • Technique : Verre industriel moderne translucide légèrement teinté
  • Particularité : Fabrication industrielle contrôlée, pose par panneaux standardisés
  • Différence avec Borga : Soulages travaille avec une verrerie industrielle moderne (Saint-Gobain), bénéficiant de verres calibrés et de technologies de fabrication avancées. Borga, en 1978, travaille avec des méthodes semi-artisanales, des verres soufflés à la main, et doit résoudre les problèmes structurels sans assistance industrielle.

Les Vitraux de la Cathédrale de Metz (Marc Chagall, 1958-1968)

  • Surface totale : Environ 1000 m² (ensemble monumental)
  • Technique : Vitrail traditionnel au plomb avec verres soufflés et peints à la grisaille
  • Particularité : Restauration et création sur 10 ans, budget colossal, équipes d’artisans spécialisés
  • Différence avec Borga : Chagall bénéficie de moyens financiers considérables (commande d’État et mécénat privé), d’ateliers parisiens réputés (atelier Simon), et d’un contexte architectural monumental. Borga travaille dans une église rurale modeste, avec des moyens limités, et doit concevoir une solution technique qui tienne compte de la fragilité de l’édifice.

Le Vitrail de Saint-Martin-des-Rosiers : Une Prouesse Relative

En contexte, 60 m² en vitrail au plomb traditionnel dans une église rurale en 1978-1979 représente une performance technique remarquable :

  • Sans moyens industriels lourds
  • Sans budget étatique conséquent
  • Avec une structure d’accueil fragilisée (murs endommagés par l’effondrement)
  • Dans un délai contraint (environ 12-18 mois)
  • Avec une équipe réduite (probablement 2-3 artisans + l’artiste)

Le vitrail de Borga se distingue par sa résilience technique : malgré des conditions de réalisation modestes, il a traversé plus de 40 ans sans dégradation majeure, preuve d’une conception technique irréprochable.


🛠️ Les Savoir-Faire Mobilisés : Une Symphonie de Métiers

La réalisation d’un vitrail de 60 m² nécessite la coordination de multiples corps de métiers :

1. Le Maître-Verrier / Vitrailliste

Rôle : Conception artistique, dessin des cartons à l’échelle 1:1, découpe du verre, assemblage au plomb, soudure, mastiquage

Compétences : Connaissance intime du matériau verre (propriétés optiques, thermiques, mécaniques), maîtrise du dessin et de la composition, précision gestuelle (découpe au millimètre), patience et minutie

Franco Borga incarne ce rôle central, apportant sa double expertise de peintre (vision artistique) et d’expert en verrerie ancienne (connaissance technique historique).

2. Le Verrier / Souffleur de Verre

Rôle : Fabrication des verres colorés artisanaux (si des verres sur-mesure sont nécessaires)

Compétences : Maîtrise de la fusion du verre (1400-1500°C), technique du soufflage à la canne, contrôle de la couleur et de l’épaisseur

Dans le cas du vitrail de Saint-Martin-des-Rosiers, Borga a probablement utilisé des verres artisanaux existants (stocks d’ateliers, verreries françaises comme Saint-Just, allemandes comme Lamberts) plutôt que de commander des fabrications spécifiques.

3. Le Métallier / Ferronnier

Rôle : Fabrication du cadre métallique, des barres de renfort, des ancrages muraux

Compétences : Soudure à l’arc, calcul de résistance des matériaux, prise de mesures précises in situ, adaptation aux irrégularités des murs anciens

Ce métier est crucial mais invisible : sans une structure métallique solide et bien conçue, le vitrail ne tiendrait pas.

4. Le Maçon Restaurateur

Rôle : Préparation des murs, scellement des ancrages métalliques, finitions en mortier

Compétences : Connaissance de la maçonnerie ancienne (pierre, mortier de chaux), consolidation de structures fragilisées, étanchéité

Les murs de l’église, endommagés par l’effondrement, ont dû être renforcés et préparés avant la pose du vitrail.

5. Le Charpentier / Échafaudeur

Rôle : Installation des échafaudages permettant de travailler en hauteur

Compétences : Montage de structures temporaires sécurisées, calcul de charge, stabilité

Sans échafaudages adaptés, impossible d’installer un vitrail de cette taille à 6-8 mètres de hauteur.


📊 Budget et Financement : Combien Coûte un Vitrail de 60 m² ?

Bien que les chiffres exacts du projet de 1978-1979 ne soient pas publics, on peut estimer le coût d’un tel vitrail aujourd’hui (tarifs 2025).

Coût Contemporain Estimé (2025)

Fournitures :

  • Verre artisanal coloré : 150-250 €/m² → 9 000 à 15 000 €
  • Plomb (baguettes, âmes, soudure) : 50-80 €/m² → 3 000 à 5 000 €
  • Structure métallique (acier, ancrages) : 100-150 €/m² → 6 000 à 9 000 €
  • Consommables (flux, mastic, etc.) : 1 000 à 2 000 €

Main-d’œuvre :

  • Maître-verrier (création + réalisation) : 18 mois à 3 000-4 000 €/mois → 54 000 à 72 000 €
  • Assistants (2 personnes x 12 mois x 2 500 €/mois) → 60 000 €
  • Métallier (fabrication structure) : 8 000 à 12 000 €
  • Maçon (préparation murs) : 5 000 à 8 000 €
  • Échafaudages (location 2 mois) : 3 000 à 5 000 €

Total estimé (2025) : 150 000 à 200 000 €

En 1978, avec une inflation cumulée d’environ 500-600% depuis, le coût aurait été de l’ordre de 25 000 à 35 000 francs (environ 3 800 à 5 300 € de l’époque, soit l’équivalent de 25 000 à 35 000 € actuels).

Sources de Financement Probables

  • Subventions publiques : État (Direction Régionale des Affaires Culturelles), Département de la Drôme, Région Rhône-Alpes
  • Fonds diocésains : Évêché de Valence (dont dépend l’église)
  • Dons privés : Paroissiens, mécènes locaux, associations patrimoniales
  • Autofinancement communal : Commune d’Albon

L’absence de classification Monument Historique a probablement limité les financements publics, rendant le projet d’autant plus admirable.


🌟 Pourquoi Cette Prouesse Technique Reste Méconnue ?

Malgré son ampleur et sa qualité, le vitrail de Franco Borga à Saint-Martin-des-Rosiers reste relativement confidentiel dans le monde de l’art et de l’architecture. Plusieurs facteurs expliquent cette discrétion :

1. Contexte Géographique Rural

Saint-Martin-des-Rosiers est un hameau de quelques dizaines d’habitants, loin des grands circuits touristiques et culturels. Contrairement à la cathédrale de Metz (Chagall) ou l’abbatiale de Conques (Soulages), situées dans des villes visitées, l’église drômoise ne bénéficie pas d’une fréquentation massive.

2. Absence de Campagne de Communication

Dans les années 1970-1980, la communication culturelle était rudimentaire. Pas de réseaux sociaux, peu de médias spécialisés en art contemporain en région. Le vitrail a été inauguré discrètement, probablement avec une cérémonie locale, mais sans couverture médiatique nationale.

3. Notoriété Limitée de l’Artiste

Franco Borga, bien que reconnu comme expert en verrerie ancienne, n’a jamais atteint la notoriété internationale d’un Chagall, d’un Soulages ou d’un Manessier. Son nom reste connu des spécialistes de la verrerie Art nouveau mais pas du grand public.

4. Pas de Classification Patrimoniale Majeure

L’église de Saint-Martin-des-Rosiers n’est pas classée Monument Historique au titre du vitrail, ce qui limite sa visibilité dans les bases de données patrimoniales nationales et internationales.

5. Documentation Photographique Insuffisante

Il existe peu de photographies professionnelles de haute qualité du vitrail in situ, limitant sa diffusion dans les ouvrages spécialisés, les expositions et les réseaux sociaux. Un vitrail nécessite des conditions de lumière et de prise de vue spécifiques pour être photographié correctement.


💡 L’Héritage Technique : Leçons pour les Artisans d’Aujourd’hui

Le vitrail de Franco Borga enseigne plusieurs leçons techniques précieuses pour les maîtres-verriers et architectes contemporains :

1. La Supériorité de la Technique Traditionnelle pour la Légèreté

Face à un mur fragilisé, la technique au plomb reste supérieure à la dalle de verre. Les architectes restaurateurs doivent se souvenir que légèreté et résistance ne sont pas incompatibles.

2. L’Importance de la Modularité

Concevoir un grand vitrail en panneaux autonomes facilite fabrication, transport, pose et éventuelles réparations futures. Un vitrail monobloc de 60 m² serait ingérable.

3. La Nécessité d’une Structure Métallique Indépendante

Pour les grandes surfaces, l’armature métallique doit être indépendante du vitrail lui-même (plutôt qu’intégrée), permettant de supporter le poids sans déformer le verre.

4. L’Anticipation des Cycles de Dilatation

Les matériaux (verre, plomb, acier) ont des coefficients de dilatation différents. Prévoir des joints de dilatation et des mastics souples est essentiel pour la longévité.

5. L’Équilibre entre Transparence et Solidité

Un vitrail monumental doit trouver le juste équilibre entre surface vitrée (pour la lumière) et structure opaque (pour la solidité). Un maillage trop fin fragilise, un maillage trop large alourdit.


🎓 Conclusion : Un Chef-d’Œuvre d’Ingénierie Discrète

Le vitrail de 60 m² de Franco Borga à Saint-Martin-des-Rosiers est bien plus qu’une œuvre d’art : c’est une prouesse d’ingénierie verrière qui mérite d’être étudiée, documentée et célébrée.

En 1978-1979, avec des moyens techniques limités, une équipe réduite et un budget modeste, Franco Borga et ses collaborateurs ont relevé un défi structurel, optique et esthétique exceptionnel :

  • Supporter 350-450 kg de verre et de métal sur des murs fragilisés
  • Garantir l’étanchéité d’une paroi vitrée exposée aux intempéries
  • Créer un instrument optique capable de transformer la lumière naturelle en expérience spirituelle
  • Assurer une longévité de plusieurs décennies sans maintenance lourde

Plus de 40 ans après sa réalisation, le vitrail témoigne de la justesse des choix techniques et de la qualité de l’exécution. Il incarne la persistance des savoir-faire ancestraux (technique au plomb, verre soufflé) dans un contexte de création contemporaine audacieuse.

Pour ArtNova.Gallery, plateforme dédiée à l’art post-contemporain et aux techniques innovantes, le vitrail de Borga représente un pont entre tradition et modernité : la maîtrise technique héritée du passé au service d’une vision artistique résolument contemporaine.

C’est cette alliance rare qui fait la grandeur de l’œuvre et qui devrait inspirer les créateurs d’aujourd’hui : innover sans renier, créer en s’appuyant sur l’héritage.


Article rédigé par Jean-Baptiste Mesona
Consultant en Communication Culturelle et Patrimoniale
Pour ArtNova.Gallery – Art Post-Contemporain

Sources consultées : Drôme Tourisme, Office de Tourisme Porte de DrômArdèche, documentation technique sur les vitraux (NF DTU 39.4), Corpus Vitrearum France, Centre International du Vitrail de Chartres, entretiens avec des maîtres-verriers contemporains.

Contact :
🌐 artnova.gallery
🌐 jeanbaptistemesona.fr
🌐 appartenances.fr


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